LES CHOSES ,
UNE HISTOIRE DE LA NATURE MORTE
au Louvre Paris
EN VILLE - In TOWN
Bien que Christo manque à l’appel « Les Choses » présentée au Louvre cet hiver, est une exposition emballante!
par Philippe Renaud*
Les choses, « qui en disent long quand elles disent autre chose (Michaux) » tiennent leur revanche jusqu’au 23 janvier 2023 dans un sous-sol bien encombré de visiteurs enchantés de découvrir la nature dans sa simplicité ces objets du quotidien ou transformés et industriels qui poussent à la méditation et, plus ou moins chargés au fil des temps de symbolismes ésotériques, moraux ou freudiens pour exprimer la richesse, le pouvoir, la consommation retenue et outrancière le trop plein des poubelles quand ce n’est pas le désastre lent de la décrépitude et de la destruction des choses. La vanité des êtres devant le mystère fascinant de l’éternité qui est présent comme le cousin préféré du thème des vies intérieures.
Avec brio et culture cette exposition raconte le temps qui passe sur les choses, la nature et les hommes et pose avec une modernité un peu fabriquée la question du poète d’autrefois : Choses inanimées avez donc une âme ? …..
Le thème de ces natures mortes, vies silencieuses, still-life, a été si fécond dans l’histoire de l’art qu’on se perd aisément dans l’opulence du sujet, et la forêt des symboles qui s’y cachent et dans les charmes que ces choses proposent à nos mémoires personnelles.
L’art des commissaires a été de jouer les échos entre les périodes qui ont inspiré ces œuvres dont ils sont des érudits notoires, de farcir leur propos de provocations trouvées dans l’inspiration tout azimut (cinéma, vidéo, installation… ) des artistes du XXe siècle au fil des mouvements qui ont chapitré l’art à cette époque. On reste sur sa faim (lors de ma visite, le tas de bonbons de l’installation de Gonzales Torres avait fondu comme neige gourmande au soleil…) car les choix peu curieux concernant l’art en devenir sont presque un aveu d’incompréhension de la pérennité du thème.
La citation de Zabriskie Point d ‘Antonioni finit d’ailleurs par servir bêtement, comme un papier peint vivant et mouvementé, de décor mural de la trop large salle des pas perdus en fin d’accrochage alors qu’elle aurait dû s’affirmer comme forte interrogation « car les choses et l’être ont un grand dialogue (Victor Hugo) » qui demeure toujours vivace.
Petite nuance, Le Louvre de Paris reste Le Louvre même quand il fait semblant d’être dans le coup. Le prestige du lieu a certes facilité la qualité des prêts des oeuvres présentées, on s’en félicite, mais on regrette qu’un souffle encore plus informé et dérangeant sur la partie contemporaine ne soit pas venu perturber ce brillant carambolage….
* Philippe Renaud est directeur-artiste, scénographe, auteur. Il a crée la Galerie Travers avec William Wheeler et "Lieux " maison d'édition de mobilier dans les années 90 avec Patrice Gruffaz.
CREDITS PHOTOS ©estheteplace
1- Att à Hieronymus Francken II Les richesses de l'Avare et sa mort, vers 1600
2- Vue de l'exposition
3- Édouard Manet, asperges
4- Anne Vallayer-Coster Panaches de mer, 1769
5- Frans Snyders, Nature morte aux légumes, vers 1610
6- Louise Moillon Coupe de cerises, prunes, melon, vers 1933
7- Daniel SPOERRI, le repas Hongrois, tableau piège, 1963
8- Adriaen Coorte, six coquillages sur une tables de pierre, 1696
9- François Desportes, Nature morte de gibier prêt à mettre en broche, 1716
10- Erró, paysage de nourritures, 1964
11- Christian Boltanski Les habits de François C, 1971-1972
12- François Desportes, Nature morte de gibier prêt à mettre en broche, 1716
13 - Jake et Dinos Chapman Crâne en bronze (jaune et rongé par les vers), 2004
14 - Sébastien Bonnecroy Vanité, vers 1650
15- Gerhard Richter, Crâne, 1983
16- Marcel Duchamp
17- Jean Siméon Chardin
18- Pompeï, mosaique
19- Andres Serrano
20- Francisco de Goya, Nature morte à la tête de mouton, 1808-1812
21- Le Monogrammiste JVR, vers 1630
22- JoelPeter Witkin, Harvest 1983
23- « L’Automne » (1573) par Giuseppe Arcimboldo
24 - Att à Juan de Arellano Guirlande de fleurs, oiseaux et papillon, vers 1650-1670
25- Andreï Tartkovshi Stalker, 1979
26- « Étude de bras et de jambes coupés » (1818-1819) par Théodore Géricault
27- Rembrandt, "Le Bœuf écorché", 1655, Paris, musée du Louvre, département des Peintures © RMN - Grand Palais (Musée du Louvre) / Tony Querrec
28- Ron Mueck, Still Life, 2009
29- Barthélémy Toguo Le ilier des migrants disparus, 2022